04/10/2011
La grande désespérance des libéraux (ou la Nation contre l’oligarchie)
Dans une des dernières livraisons de « Valeurs actuelles », on aura pu lire avec une certaine jouissance, reconnaissons-le, un billet de Stéphane Denis semblant remettre radicalement en cause le modèle économique libéral actuel, alors que l’anarchie financière planétaire et des désordres sociaux sans précédent semblent pointer leur vilain museau à l’horizon.
Nous devons être tombés bien bas, pour que des voix libérales en soient maintenant à se demander s’ils ne sont pas complètement fourvoyés, car la crise passée, présente et évidement future est en train de détruire tout le bel édifice libre-échangiste. Ainsi, le puissant rempart que devait-être l’Euro, rappelons-nous des promesses dithyrambiques quand à sa capacité à apporter stabilité et croissance, l’Euro est totalement incapable de juguler la récession et se révèle être un véritable cheval de Troie empêchant par exemple, nos exportateurs de vendre leur production face à des monnaies bon marché.
Stéphane Denis pressentant peut-être l’abîme vers lequel nos sociétés semblent se précipiter, en vient à remettre en cause les fondements d’une société poussée vers un consumérisme débridé, une soif de productivité absolue, le tout mené par une oligarchie financière constituée d’adorateurs du Dieu argent, seule à tirer profit d’un système qu’elle aura mis en place :
« …et si nous, les conservateurs libéraux, nous nous étions trompés ? et si ce à quoi nous avons cru, l’économie de marché, n’avait jamais été qu’un moyen pour le plus petit nombre de faire travailler le plus grand pour acquérir le maximum de capital et donc de liberté ? »
Arlette, sors donc de ce corps !
La grand-peur des libéraux devant la perspective d’un abîme infernal s’ouvrant devant eux, leur rendrait-elle enfin raison ? Mon scepticisme chronique, limite primaire, mais j’assume, m’autorise à en douter. Car enfin, nos gentils patrons du CAC40 et de l’ensemble du club de la finance mondiale, n’ont-ils jamais été intéressés par autre chose que l’accumulation de gains de plus en plus astronomiques ?
Depuis les hauteurs de Davos et du Forum économique mondial, ont-ils jamais été sensibilisés aux souffrances des ouvriers de leurs usines ou aux angoisses des cadres de leurs multinationales ? Ne nous fait-on pas suer le sang jusqu’à ce que nous crevions de stress, d’ingestion d’amiante ou de n’importe quelle substance cancérigène, pourvu qu’elle permette de nous remplacer par des jeunots qu’on aura le bon goût de payer au tarif d’un ouvrier chinois du Guangdong. Ren-ta-bi-li-té !
Ce constat d’échec d’un système libéral non maitrisé est pain béni pour ceux qui se désespèrent de la morgue inouïe des profiteurs du système. « On a de plus en plus le sentiment que les gouvernements défendent des intérêts au lieu de répondre à la crise, ou encore répondent à la crise en défendant des intérêts », écrit Stéphane Denis. Fiat lux ! Miracle, l’aveugle voit, le sourd entend et le muet parle !
Comment donc ne pas souscrire à une évidence depuis longtemps assénée par les adversaires du système, Action Française en tête.
La république, c’est le règne de l’argent. Nous ne parlons pas ici de l’argent honnête, patiemment et prudemment économisé pendant une dure vie de labeur, mais celui de l’argent de la finance cosmopolite qui fait fi des frontières et des lois nationales, afin d’amasser or et devises sur le dos des salariés, nouveaux forçats des temps modernes. Le tout avec l’évidente complicité des politiques qui n’ont cesse de saboter la Nation, dernière vraie protection des français contre l’oligarchie.
Stéphane Denis semble y souscrire, évoquant une véritable « main cachée qui dirige ». Je n’affabule pas, je ne délire pas, je cite : « Tout ce passe comme si une force supérieure leur disait (aux politiques) : voilà comment seront les choses, à vous de vous débrouiller pour que les gens s’en accommodent ; ces détails ne sont pas notre affaire, faîtes votre métier et, si vous n’y parvenez pas, d’autres dirigeants vous remplaceront ». « Force supérieure » ? « …d’autres dirigeants vous remplaceront » ? Stéphane Denis évoquerait-il ici le Groupe Bildelberg ? Le Siècle ? La trilatérale et les Illuminatis, peut-être ? Vertigineux !
Avant que notre ami ne se brûle complètement les ailes en basculant vers une ténébreuse théorie d’un prétendu (quoique…) complot maçonnique qui en aura dézingué plus d’un, réjouissons-nous simplement que notre chroniqueur semble sur le chemin de la Vérité. Sauf que…
J’y vais, j’y vais pas…
Sauf que, à l’exemple de tout ses amis libéraux, Denis pense que la gauche étatiste et dirigiste à raison, puisque eux, les libéraux, se sont lourdement trompés : « oui, c’est assez terrible pour un libéral d’admettre que la gauche avait peut être raison… ». C’était trop beau, tiens…
Quel dommage quand même de s’arrêter en si bon chemin. Nous voilà donc resservie la sempiternelle loi suprême de la doctrine libérale, qui stipule que « le libéral est celui qui pense que son adversaire à raison » (Léon Daudet). La Rédemption n’est donc pas pour tout de suite.
Comment ne pas déplorer cette sclérose intellectuelle qui institue une bipolarisation de la pensée économique et qui nous obligerait à choisir entre un libéralisme porté par un prétendu « nouveau conservatisme » devenu enfin responsable et moral (mais qui peut donc croire à cette fadaise ?) et une vieille gauche étatiste qui semble de plus en voie d’éclatement entre diverses tendances en cette période de primaires au PS (le grand écart Vals/Montebourg, c’est quand même de la haute voltige…ou du foutage de gueule). Nous n’aurions donc le choix qu’entre un état-moloch de gauche, dispendieux et foncièrement dirigiste et un système supranational gérant à l’aune de ses intérêts, une anarchie libérale dispensatrice de considérables revenus pour une minorité de plus en plus apatride (Attali, si tu me lis…). La belle affaire pour vous et moi qui suons sous le burnous au quotidien.
Que le salarié se fasse pressurer ou tonsuré par l’un ou l’autre de ces systèmes, ne changera rien à la donne. Il aura le choix entre vivre des Assedic, quand son usine aura été délocalisée au Baloutchistan histoire d’assurer de confortables dividendes à des actionnaires ou mourir à petit feu en croulant sous les dettes et les impôts qui ne manqueront pas dans une société socialo-libérale à la mode Hollando-Royalo-Aubryenne (faut bien financer l’aide aux zimigrés, non ?).
Vers une autre voie ?
Qu’une autre voie entre deux options mortifères puisse être envisagée par nos libéraux, semble être inconcevable et extravagante.
Hypnotisés par cette défaite à venir et un éternel complexe envers une gauche forte de son emprise morale, les libéraux semblent ne pas pouvoir conceptualiser d’autres systèmes que ceux ayant cours en ce bas monde. Oser évoquer (juste au hasard, hein ?) les bienfaits d’une monarchie traditionnelle, forte dans ses prérogatives régaliennes1, attentive aux libertés d’entreprise, se souciant des salariés dans le cadre de structures protectrices, ne peut décemment se concevoir chez nos penseurs capitalistes. Il est à craindre que ces derniers confondront toujours, et de façon dédaigneusement jubilatoire, liberté d’entreprise et liberté d’exploiter.
Que des articles comme celui de Stéphane Denis puissent être publiés, démontre qu’un séisme intellectuel a peut-être bien cours en ce moment dans le monde feutré des « maîtres du monde » et des collectionneurs de jetons de présence au sein des conseils d’administration. Une révolution morale est-elle en cours ? Peut-être, mais n’est-il pas déjà trop tard. Exaspéré et désespéré, les peuples « d’en bas » en seront peut-être maintenant réduit à vouloir se venger de ceux qui les ont ruiné, eux et une bonne partie de leur descendance.
Plus que jamais, les solutions préconisées par l’Action Française s’imposent pour sauver ce qui peut l’être. Sa voix doit se faire entendre pour que, à défaut de tenir les rênes du pouvoir, elle soit portée jusqu’aux oreilles de nos édiles afin que ces derniers se préoccupent enfin des français. La première étape sera le retour d’un état garantissant l’indépendance nationale en provoquant le retour à une monnaie assurant sa liberté de manœuvre. En somme, supprimer un Euro qui nous asservit.
Le feront-ils ? Et en auront-ils le temps avant la déflagration future ?
(1) « l’état n’est pas né pour être marchand d’allumettes ou fabriquant de tabac. Sa fonction est de rendre la justice, de défendre les frontières, de diriger et d’orienter les intérêts généraux du pays » (Maurras – Action française, 8 juillet 1938)
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